Qu’est-ce que le spasme du sanglot ?
Mon enfant fait des spasmes du sanglot
( extrait de : Le Spasme du sanglot. Lionel ROSSANT.)
« La comédie s’arrête quand le public est parti ».
« Docteur, vite, vite, venez! Mon enfant est en train de mourir…Elle est morte, vite, vite…! »
A peine ce père affolé a-t-il hoqueté son adresse que je suis immédiatement parti. Les cinq étages sont vite montés. Le père, en sueur, m’ouvre la porte. Derrière, sa femme, effarée, me fixe avec anxiété. A terre, une petite fille de 2 ou 3 ans, en robe blanche, trotte gentiment.
Où est la malade ?
Où est la moribonde annoncée ?
« C’est elle », me dit le père, en désignant du doigt la petite gamine au teint frais, à la mine vermeil et aux yeux verts. « J’ai bien cru qu’elle était morte tout à l’heure…Elle jouait tranquillement dans son bain avec sa mère mais quand on a voulu la sortir de l’eau, elle n’a pas voulu, et s’est mise à crier, crier…Ah! si vous aviez vu cela, docteur…D’un seul coup, elle a perdu sa respiration, est devenue toute rouge…et elle est morte!
Vite, je l’ai prise dans mes bras et je lui ai fait du bouche-à-bouche. Le secourisme, ça sert à quelque chose ! Elle s’est remise à respirer, a ouvert les yeux ; elle m’a vu et a tout de suite recommencé.
Elle est morte une deuxième fois…Alors, là, je me suis vraiment inquiété et je vous ai téléphoné…C’est grave, docteur ?
La petite fille aux yeux verts écoute son père, un léger sourire énigmatique flottant sur son visage poupin. Je l’examine rapidement, surtout pour rassurer les parents car, à l’évidence, elle n’a rien et le diagnostic ne fait aucun doute… »
Le spasme du sanglot (ex « convulsion affective respiratoire ») est la cause la plus fréquente de syncope chez l’enfant de 5 mois à 3 ans. 4 à 5% des enfants font au moins un spasme du sanglot dans leur vie…! »
Dans quelles circonstances l’enfant fait-il un spasme du sanglot ?
A l’origine toujours les mêmes facteurs: le spasme du sanglot survient constamment au cours d’une émotion violente, d’un traumatisme mineur, d’une contrariété, d’une frustration ou d’une colère.
Spasme du Sanglot, de quoi s’agit-il ?
La forme bleue (asphyxique) représente 60% des cas.
A la suite d’une contrariété, l’enfant se met à pleurer ; il hurle, trépigne, reprend de moins en moins bien son souffle.
La phase expiratoire, souvent silencieuse, se prolonge de seconde en seconde, la bouche reste ouverte. Aucun son ne sort. L’enfant est de plus en plus bleu, la cyanose s’intensifie et l’apnée survient : c’est la « pâmoison »…
Si l’apnée se prolonge, les parents assistent à une syncope asphyxique avec perte de connaissance, hypotonie généralisée et révulsion oculaire. Cela ressemble à une convulsion. L’enfant est comme mort : il est inerte, violet, et ne respire plus…! Après quelques secondes, l’enfant reprend son souffle et la conscience réapparaît. Parfois, l’apnée dure plus longtemps et des clonies apparaissent.
Le réveil survient néanmoins toujours rapidement sans traitement.
La forme pâle (ischémique) se voit dans 20% des cas.
Toujours provoquée par une frustration, cette forme se caractérise par l’absence de cri. Sous l’émotion, l’enfant devient pâle et perd connaissance. Il s’agit là d’une syncope par arrêt cardiaque. Dans 20% des cas de spasmes du sanglot, la distinction entre ces deux formes n’est pas aussi nette et le déroulement de la crise est intermédiaire…
Quel est l’intérêt du tracé électro encéphalographique (E.E.G.) ?
L’étude E.E.G. de ces crises a été effectuée par Gastaut : l’enregistrement montre une succession d’ondes de haut voltage, de plus en plus lentes, suivies d’une extinction du tracé puis du retour à la normale dès la crise passée. Les tracés E.E.G. sont normaux entre les crises. Il s’agit en fait d’un tracé d’anoxie cérébrale, totalement différent de celui d’une épilepsie.
Comment évoluent ces spasmes du sanglot ?
L’évolution spontanée
Le spasme du sanglot ne s’observe plus après 6 ou 7 ans. Auparavant, il a entraîné des modifications relationnelles et éducatives importantes qui représentent toute la gravité de cette affection.
Il est fréquent de plus que l’évolution soit aggravée par des mesures intempestives : diagnostics erronés d’épilepsie avec hospitalisations abusives et imprégnation barbiturique de longue durée, placements divers, conseils éducatifs mal adaptés (ne pas contrarier les enfants etc…).
Il s’agit souvent d’enfants hyperactifs, turbulents, opposants et coléreux. Il existe une anxiété maternelle et familiale manifeste.
Le spasme du sanglot est très spectaculaire pour les parents non-initiés. Il provoque de leur part une réaction de surprotection* dont profite outrageusement l’enfant. De peur de déclencher de telles crises, les parents n’osent plus rien refuser à leur bambin qui se comporte alors en maître tyrannique. Ces spasmes se produisent d’ailleurs électivement lorsque l’enfant se trouve en face de certains membres de sa famille particulièrement faibles ou crédules…!
Avec le traitement :
Avec des conseils adaptés, l’attitude des parents peut
faire disparaître les crises très rapidement.
Il ne faut pas prendre pour un spasme du sanglot :
- une crise d’épilepsie
- ou une spasmophilie
En fait :
- le caractère toujours provoqué,
- la brièveté de la perte de connaissance (quelques
minutes au maximum), - le retour rapide à la conscience, sont les éléments fondamentaux du diagnostic.
Que faire devant un spasme du sanglot ?
Certains médecins prescrivent des médicaments :
- Théralène®
- Gardénal®
- Calcibronat®
- Sédobébé®
- Sédatif P.C. et autres remèdes homéopathiques
(Chamomilla, Cina, Nux vomica, Aurum, Staphysagria,
Colocynthis…) - Phytothérapie : Agripaume, Angélique, Aubépine, Marjolaine, Manule blanc, Passiflore, Valériane…
En fait, le meilleur traitement, le plus efficace consiste pour le pédiatre à parler aux parents afin de leur expliquer patiemment le mécanisme des crises.
Voici à peu près ce que nous avons dit aux parents de la petite fille aux yeux verts qui ouvre ce chapitre :
« Votre fille fait quelque chose de très fréquent…Ce n’est pas une maladie mais cela risque de se reproduire si vous ne suivez pas mes conseils. De toute façon, si elle recommence, ce n’est pas grave mais vous aurez des frayeurs jusqu’à ce qu’elle ait 5 ou 6 ans…Et puis après, vous aurez d’autres problèmes, un peu différents, mais tout aussi pénibles. Quand votre fille est fâchée ou qu’elle pleure, elle peut perdre sa respiration et faire des spasmes.
De deux choses l’une :
Ou bien, vous vous précipitez et elle comprend que vous avez eu peur. Vous êtes pris au piège! A la moindre contrariété, quand elle voudra un bonbon, un gâteau, une poupée, pousser le chariot dans un supermarché, n’importe quoi, si vous avez le malheur de refuser, elle va pleurer, devenir toute rouge, perdre sa respiration et vous céderez de peur qu’elle ne tombe et meurt. C’est simple, elle a trouvé le truc ! Je vous dis tout de suite que c’est très efficace, que des centaines et des milliers d’enfants dans le monde
obtiennent ainsi tous les jours ce qu’ils veulent car les parents ont peur et ne croient pas toujours les pédiatres…
La deuxième solution, c’est de laisser faire.
Si vous lui interdisez quelque chose et qu’elle commence à pleurer, sortez de la pièce et laissez la seule quelques minutes, ou bien…versez lui de l’eau froide sur la tête… Elle comprendra très vite. Elle recommencera peut-être 2 ou 3 fois, pour voir si vous ne cédez pas, et puis ce sera terminé. Il n’y a aucun risque. On ne meurt jamais de ça! On a l’impression que l’enfant meurt mais ce n’est qu’une illusion. Il se réveille toujours et vite. De même, si un jour elle tombe devant vous, surtout ne vous précipitez pas en poussant de grands cris affolés : c’est le meilleur moyen de la faire pleurer et de déclencher un spasme. Gardez votre calme et faites comme si de
rien n’était.
Je vous préviens, votre fille m’écoute et comprend très bien ce que je dis. Elle est furieuse. Elle s’agite et essaie d’attirer votre attention pour que vous ne m’écoutiez plus… Lorsque je serai parti, elle va recommencer pour voir si
vous avez compris. Si vous vous affolez, là, tout à l’heure,
vous êtes perdus.. »
Les parents ont été revus depuis. La petite fille aux yeux
verts n’a plus jamais recommencé…
L’ESSENTIEL :
- Le spasme du sanglot n’est pas une crise d’épilepsie.
- C’est une manifestation de colère, de rage, de douleur ou de peur qui aboutit à la pâmoison avec perte de connaissance toujours réversible.
- Ce symptôme n’a aucun caractère de gravité.
- Il faut que les parents évitent de tomber dans le piège
qui consiste à ne rien interdire à l’enfant de peur qu’il
ne fasse « sa crise »…!
POUR EN SAVOIR PLUS :
- ASTERIX en HISPANIE : regardez bien le petit enfant
fils de SOUPALOGNON Y CROUTON pages 9, 15, 16 et 33
(Uderzo et Goscinny. Dargaud éd. 1969). - Lebovici S., Diatkine R., Soulé M.: Traité de psychiatrie
de l’enfant. P.U.F. éd., Paris, 1985